
Double découverte avec ce primo roman, découverte d’une tranchante et des éditions autrement, que je ne connaissais pas jusqu’à présent. La découverte fût-elle à la hauteur des espérances ?
Le point fort du roman de cette jeune autrice est de nous immerger dans une société nigérienne bouillonnante, au cœur d’une famille qui va connaître de grand bouleversement. On parcourt les rues de Lagos avec Bibike et Ariyike, on respire les odeurs du marché, les oreilles bourdonnantes du furieux tintamarre d’une mégalopole, Lagos, qui se développe plus vite que ne grandit ses enfants.
Cependant cette immersion est entachée par des choix narratifs qui ne m’ont pas entièrement convaincu. Les ellipses temporelles sont trop nombreuses et empêchent de s’attacher aux enfants de cette famille ballottés par les évènements. On les quitte aux portes de l’adolescence pour les retrouver jeunes adultes. Difficile dans ces conditions de se prendre d’affection pour eux même si l’on compatit à leur sort.
La plume de l’autrice a aussi de quoi laisser perplexe. Acérée comme une lame de rasoir, elle ne laisse que peu de place à l’introspection et au développement psychologique de ces personnages. Et cela s’explique car, au-delà d’un récit familial, l’ouvrage est avant tout un pamphlet contre la société nigérienne.
Une société patriarcal, créée par les hommes, pour les hommes. L’hypocrisie masculine et ses conséquences dramatiques y sont décrites sans fard. Une société qui ne laisse que peu de choix aux femmes, devenir des agneux tondus toute leur vie par l’avidité et la concupiscence de leurs compères masculins ou bien des lionnes aux crocs impitoyables.
Alors que je m’attendais à lire une saga familiale dans un milieu qui me demeure inconnu l’ouvrage se révèle être un pamphlet enflammé contre les méfaits de la domination machiste, d’où mon ressenti mitigé. Cependant cela reste un ouvrage à découvrir pour la découverte d’un pays d’Afrique dont on parle peu.
Résumé : Bibike, Ariyike, et leurs frères Peter et Andrew tombent dans la pauvreté du jour au lendemain. Pour ces quatre enfants de la classe moyenne aisée nigériane, ce qui hier semblait acquis devient l’enjeu d’une lutte constante. Abandonnés par leurs parents, ils se réfugient chez leur grand-mère et survivent comme ils le peuvent à Lagos, ville âpre et convulsive. Si la vie est difficile pour tous, elle est particulièrement cruelle pour les deux soeurs : être une femme au Nigeria, c’est avant tout être considérée comme une proie. Proie pour les hommes, la religion, la religion des hommes. Black Sunday fait une peinture sans fard d’une société nigériane gangrénée par la corruption et met en lumière son rapport brutal aux femmes. Une lueur d’espoir vacillante, mais bien présente, sourd pourtant au milieu des pages. Avec ce premier roman, Tola Rotimi Abraham entre de plain-pied en littérature d’une écriture tranchante, sans compromis.
Éditeur AUTREMENT (25 août 2021)
Langue Français
Broché 336 pages
ISBN-10 2746759837
ISBN-13 978-2746759831