Interview du Dr Caroline Depuydt pour « J’arrête d’en faire trop ! »

La docteure Caroline Depuydt est médecin psychiatre. Elle travaille à la clinique Fond’Roy à Bruxelles où elle est responsable d’un service psychiatrique d’hospitalisation sous contrainte. Elle tente aussi, au travers de conférences pour les professionnels et d’interventions dans les médias, de soutenir le bien-être psychique de toutes.

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1/ Qu’est-ce qui vous a inspiré à écrire ce livre et pourquoi pensez-vous que ce sujet est
important pour les gens ?

Je voyais de plus en plus de gens s’épuiser autour de moi que ce soit des collègues des patients, mon entourage ou moi-même. Au sortir de la crise covid et dans ces moments de crise permanente, (la perma-crise) le stress est chronique, l’anxiété est majeure et certaines personnes ont tendance à opérer une espèce de fuite en avant, en faire toujours plus jusqu’à s’épuiser 

2/ Comment définiriez-vous le concept d’en faire trop ? Et comment cela peut-il affecter
la vie quotidienne d’une personne ?

Vouloir faire toujours au mieux, c’est une grande qualité mais le problème arrive quand ce « mieux » devient une injonction à la perfection permanente. C’est dans ce cas qu’on a du mal à s’arrêter, à se reposer, à dire non et du coup on en fait trop. 

Cela affecte la vie quotidienne d’une personne parce que elle peut être fatigué, irritable, elle peut avoir du mal à dire non et ne pas se mettre des limites. On peut aussi avoir du mal à fixer ses priorités et à culpabiliser dès que quelque chose ne tourne pas rond.

3/ Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut apprendre à mieux gérer son
temps et ses priorités ?

La première chose c’est la prise de conscience qu’il y a des priorités et donc qu’il y’a aussi des tâches qui ne sont pas prioritaires.

Ensuite il est important d’essayer de planifier au mieux ses actions avec un point de vue réaliste donc à ne pas s’en mettre trop dans une journée ou une semaine. Il est également important de compter des temps de pause, d’imprévu pour ne pas se surcharger. Planifier tout cela dans un agenda et même le temps de repos ou le temps qu’on prend pour soi peut permettre de mieux visualiser La semaine qui s’annonce et de ne pas se surcharger d’activités.

4/ Vous proposez dans votre livre une méthode en trois étapes pour aider les gens à
arrêter d’en faire trop. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette méthode et sur son
efficacité ?

Le cerveau est complexe et imbriqué quand on en fait trop et qu’on s’épuise c’est souvent le résultat d’un dysfonctionnement au niveau de trois grandes zones du cerveau et c’est donc en apaisant ces trois zones que l’on pourra se relâcher. 

La première zone est la zone limbique, émotionnelle, qui parle de notre besoin d’être aimé et d’être reconnu. 

C’est souvent pour être aimé et reconnu qu’on a tendance à être perfectionniste et à trop en faire. La première étape sera donc d’apaiser cette zone en se donnant à soi-même de la bienveillance et de la reconnaissance.

La deuxième zone du cerveau et le cortex préfrontal qui est la zone qui nous permet d’établir des règles et de les respecter. Quand on est perfectionniste et qu’on a tendance à en faire trop, cette zone se rigidifie et les règles deviennent des obligations qui ne nous donnent pas le droit à l’erreur. La deuxième étape sera donc de calmer cette zone en mettant un peu de flexibilité mentale dans le système et en se donnant le droit à l’erreur. 

La troisième zone du cerveau est le système nerveux autonome qui active le système de stress et de survie. Et la troisième étape sera donc de calmer ce système nerveux autonome et de diminuer le stress grâce a des approches psycho corporelles comme la cohérence cardiaque qui est un exercice de respiration.

5/ Comment faire face aux pressions sociales et professionnelles qui poussent les gens à
en faire trop ? Avez-vous des astuces pour gérer ces pressions ?

Ces pressions sont difficiles à gérer en effet et je pense que le premier pas et de pouvoir les décrypter et du coup de les mettre déjà un peu à distance. Est-ce que je veux vraiment être ce parent parfait ou ce travailleur qui revient même le week-end pour terminer ce dossier ? Le but est de trouver un juste milieu entre le trop et le trop peu. Il ne s’agit pas de devenir paresseux ou inefficace mais juste de diminuer un peu l’intensité de la pression qui est mise sur nous. Mon but aussi en écrivant ce livre et de dénoncer ces pressions sociales et professionnelles pour justement alerter, conscientiser et permettre D’apprendre à dire non sans renoncer à être un bon pro ou un bon parent par exemple. 

6/ Y a-t-il des erreurs courantes que vous voyez souvent les gens faire lorsqu’ils essaient
de gérer leur temps et leurs priorités, et comment peuvent-ils les éviter ?

La première erreur que je vois souvent c’est le tout ou rien. On pense qu’on peut passer de perfectionniste jusqu’au-boutiste à mettre zen et repos total mais évidemment ça ne tient pas et c’est impossible. Au lieu de cela je propose plutôt la technique des petits ps et des micros révolutions au quotidien. Il ne s’agit pas d’entamer une grande révolution personnelle en une semaine mais plutôt de faire des petites choses , De les honorer et de se remercier pour cela. « J’ai réussi à dire non à un collègue aujourd’hui, j’ai pu prendre du temps pour moi et faire une sieste ce week-end son occuper des enfants, j’ai pu inviter des amis à dîner et faire et ce qui paye l’entrée. »

La deuxième erreur c’est d’oublier tout ce qu’on a fait tout ce qu’on a déjà parcouru comme chemin et donc je conseille de noter les petites victoires qu’on a fait sur soi-même ces moments où on a réussi réussi à résister à l’urgence et à la pression pour se consacrer à soi.

7/ Qu’espérez-vous que les lecteurs retirent de votre livre « J’arrête d’en faire trop » ?

Je souhaite que les gens en retirent un sentiment de plus grande liberté intérieure et de soulagement. Ils ne doivent pas être parfait , ils comprennent pourquoi et ils ont en main des clés et des outils pour prendre soin d’eux. Je souhaite que cette lecture puisse aussi se faire avec de la joie parce qu’on peut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux et que cela puisse les amener vers plus d’autonomie et de fierté de se prendre en main

8/ Quels conseils donneriez-vous à ceux qui se sentent souvent débordés ou submergés ?

D’apprendre à se reposer tout simplement. De mettre en place 10 minutes de rien par jour. 10 minutes on se met dans un fauteuil ou dans son lit et on se permet de rêvasser sans lire sans regarder la télévision sans checker ses e-mails sans être sur les réseaux sociaux. Je conseille aussi la shaking meditation donc je parle également dans le livre et qui permet de relâcher tout le stress accumulés dans le corps en s’amusant et en dansant pendant quelques minutes.

9/ Comment pouvez-vous aider les gens à reconnaître leurs limites et à apprendre à dire
« non » ?

Deux grandes phrases m’accompagne dans ce chemin parce que pour moi aussi c’est difficile de dire non. La première c’est « si je ne mets pas mes limites personne ne les mettra à ma place ». Pour moi cette phrase est puissante et tout à fait exacte : moins vous mettez vos limites et plus les autres vous en demandent. quand vous remarquez que c’est possible de mettre ses limites et que ça fait du bien c’est libérateur. 

La deuxième phrase qui m’accompagne c’est « dire parfois non c’est aussi dire un vrai oui quand c’est oui ». En effet quand on dit oui à tous, parfois on le dit à contrecœur alors que si on arrive à dire non quand vraiment ce n’est pas le moment que ça ne nous intéresse pas ça veut dire que le « ou est bien c’est un vrai « oui » également et ça c’est beaucoup plus respectueux de soi-même et des autres. 

10/ Dans votre livre, vous parlez également de la gestion de la culpabilité. Pouvez-vous
partager vos réflexions sur la façon de faire face à ce sentiment ?

La culpabilité c’est très fréquent chez les perfectionniste et les gens qui veulent bien faire et qui ont tendance à tout prendre sur leurs épaules. 

Pourtant elle est souvent assez inutile et encombrante. En plus elle est souvent pleine d’auto jugement. À la place je préfère parler de comment prendre ses responsabilités. Pour moi la responsabilité c’est « l’habileté à répondre » à quelque chose. quand un événement  m’arrive , prendre mes responsabilités c’est me demander comment je vais y répondre, de quelle façon. cette vision est soulageante et nous permet d’aller de l’avant et de reprendre un peu de maîtrise. 

11/ Comment pouvez-vous encourager les gens à se concentrer sur ce qui est vraiment
important dans leur vie plutôt que de se laisser distraire par des choses superficielles ?

Moi je pense que parfois c’est tout à fait nécessaire de se laisser distraire par des choses superficielles. on en a besoin, nous n’avons pas besoin d’être constamment dans une recherche de profondeur de sérieux et de prise de tête. 

Mais parfois c’est une fuite de n’être que dans la superficialité , la distraction et dans ce cas là cela vaut la peine de s’arrêter de faire une pause et de se poser la question « suis-je en train de fuir quelque chose et si c’est le cas , qu’est ce que je fuis ? Une émotion , un état d’âme , une situation compliquée ? »

C’est un bon point de départ. 

12/ Quels sont vos projets futurs en matière de développement personnel et de bien-être ?

Alors je ne sais pas si j’ai des projets futurs mais j’ai déjà envie de bien implémenter tous ces outils que j’ai développé pour moi et mes patients. J’essaye de trouver moi-même un équilibre et je reste toujours à la limite d’en faire trop mais avec beaucoup de joie et d’enthousiasme. Cela reste donc mon challenge de régulièrement me poser Et de me recentrer, de m’aligner à moi-même à mes valeurs et à mes aspirations. 

J’ai aussi à cœur de partager autour de la santé mentale, de la destigmatiser et de la rendre accessible. Et de partager mes outils à un plus grand nombre par le biais de conférence, de webinaires ou de petites vidéos sur les réseaux sociaux. 

Instagram : https://www.instagram.com/caroline.depuydt.psy/?hl=fr

Twitter :@DepuydtCaroline

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