Critique : Fast & Fast & Furious X De Louis Leterrier Avec Vin Diesel, Michelle Rodriguez, Jason Momoa

Dans FAST & FURIOUS 5, Dom et son équipe avaient fait tomber l’infâme ponte de la drogue brésilienne, Hernan Reyes. Ils étaient loin de se douter que son fils avait assisté impuissant à la scène et qu’il avait passé ces douze dernières années à échafauder sa vengeance.

C’était une rengaine répétée à l’excès par le patriarche incontesté de la saga, Vin Diesel : Fast & Furious est une affaire de famille. Et quand on examine l’historique de ces films, il est difficile de le contredire. Il fut un temps où la franchise Fast & Furious était condamnée. Après le succès inattendu du premier film, une production modeste qui a propulsé les carrières de Vin Diesel, Paul Walker et Michelle Rodriguez, la popularité de la saga a connu un déclin sévère. Les deux premières suites ont bafoué la valeur fondamentale des Fast & Furious : les rassemblements familiaux autour d’un barbecue arrosé de Corona étaient révolus.

Parmi le groupe original, seul Paul Walker a participé au deuxième opus, tandis que Vin Diesel ne faisait qu’une brève apparition dans le final d’un troisième film boudé par le public. Après ces détours malheureux, les auteurs des épisodes suivants se sont engagés à systématiser l’union de la famille originale et, surtout, à élargir ses rangs. Depuis Fast 5, chaque film s’est efforcé d’intégrer un nombre phénoménal de personnages, la plupart étant des stars associées au cinéma d’action. L’affiche du dernier opus en date est un témoignage éloquent de cette inflation quelque peu risible. On y voit une multitude de protagonistes se presser pour célébrer ce qui est présenté (du moins pour l’instant) comme le premier volet d’une trilogie finale de la franchise.

C’est ainsi que Dominic Toretto fait son retour, dans un vacarme de tôle froissée et d’émanations sucrées d’essence, aux commandes de sa flamboyante muscle car. Le regard fier, le torse bombé, Dom se lance cette fois-ci dans la protection de sa famille contre un nouvel ennemi surgissant des méandres scénaristiques innombrables de la saga. Dans l’une de ces révélations absurdes, emblématiques des Fast & Furious, on découvre que le baron du crime trompé et tué à la fin du cinquième épisode avait en réalité un fils ! Et cet héritier, témoin impuissant de la victoire de Dom, se révèle être un génie criminel au penchant psychotique. Comme preuve de sa folie, on le voit dans une scène improbable, manucurant ses ongles de pied tout en bavardant avec deux cadavres de policiers, confortablement installés dans un salon de jardin. Évidemment, ce personnage excentrique a ourdi un plan diabolique pour mettre Dom et ses proches à genoux.

Les fans fidèles de Fast & Furious ne s’étonneront pas de l’absurdité du scénario, depuis que la franchise a tué Letty, interprétée par Michelle Rodriguez, pour la ressusciter plus tard avec une explication tirée par les cheveux. Depuis Fast 5, chaque épisode est un enchevêtrement narratif guidé par les préférences du public et les directives de Vin Diesel. Il est bien connu que la star toute-puissante impose de nombreuses séances d’écriture à ses scénaristes, pris dans ce dédale de sous-intrigues. Un travail épuisant et ingrat, compte tenu de la vacuité des derniers films. Inévitablement, la saga a fini par ressembler de plus en plus à sa star : enflée, se prenant au sérieux de manière ridicule, elle a montré une inquiétante inertie à mesure qu’elle grossissait. Et pour remédier à cette lourdeur, les films ont sombré dans une surenchère d’action de plus en plus absurde. Rappelons par exemple que dans l’avant-dernier chapitre, nos héros, toujours au volant de leurs voitures, ont été propulsés dans l’espace ! Il fallait oser.

Mais le véritable mal qui mine la franchise réside au cœur même de sa conception. En effet, l’histoire de cette grande œuvre familiale populaire, portée devant et derrière la caméra par Vin Diesel, ne convainc plus depuis longtemps. Le caractère inflationniste des films a d’abord éloigné Fast & Furious de ses racines modestes, proches du public cible. Bien que chaque film inclue la traditionnelle scène de barbecue dans le jardin d’une maison de banlieue discrète, la famille Toretto semble depuis longtemps déconnectée de sa base. Leurs aventures, autrefois confinées à leur ville, sont devenues internationales, tandis que leur garage modeste a été remplacé par des repaires surdimensionnés remplis de gadgets improbables. Le pire, cependant, ne s’arrête pas là. Cette thématique de la famille, épuisée jusqu’à la corde, a été gravement ébranlée par les conflits qui ont émaillé la production des derniers films. Il y a eu, bien sûr, le départ tumultueux de Dwayne Johnson lors de Fast and Furious 8, où il a publiquement dénoncé le comportement diva de son collègue. Plus récemment, la démission du réalisateur emblématique de la saga, Justin Lin (qui a réalisé la moitié des épisodes), une semaine seulement après le début du tournage de Fast & Furious X ! Un sérieux accident de parcours qui, pourtant, a abouti à la relative réussite de ce dernier opus.

Le réalisateur français Louis Leterrier, arrivé en catastrophe sur ce plateau monumental, a su tirer de l’urgence de la situation une énergie indéniable. Bien sûr, le film porte les stigmates de sa production chaotique. On remarque notamment le dénuement total de certaines scènes d’exposition laborieuses, tournées devant des fonds d’incrustations et des décors numériques peu convaincants. De plus, plusieurs effets spéciaux sont indigne d’une production de cette envergure, et il est plus difficile que jamais de se retrouver parmi la multitude de personnages et d’histoires parallèles gérées à la hâte. Cependant, Leterrier a réussi, dans des conditions probablement difficiles, à boucler un blockbuster généreux, certes crétin, mais qui, le temps de quelques scènes, offre un joyeux chaos réjouissant. En somme, le réalisateur a insufflé à la saga ce qui manquait tant aux derniers films : une véritable envie communicative de s’amuser en imposant un ton parfaitement adapté à l’état actuel de la franchise. À l’exception de quelques scènes obligatoires où Dom joue son rôle éternel de leader avide de justice, le film se contente de proposer un divertissement léger, modeste et revigorant.

Parmi la multitude de produits dérivés de la franchise, il était surprenant de voir apparaître en 2019 une série animée produite par DreamWorks Animation. Pourtant, cette déclinaison trouve une logique, car dans ses moments les plus réussis, Fast and Furious X relève du pur dessin animé. Lorsque le personnage de John Cena se lance dans sa voiture équipée de deux immenses lance-missiles, on croirait voir les bolides des Fous du volant à l’œuvre. Et dans la meilleure scène du film, lorsque Dom Toretto poursuit une énorme sphère d’acier qui dévaste les rues de Rome, le personnage ressemble à une version motorisée du Bip Bip affrontant l’une des terribles inventions du Coyote. On peut se moquer de cette parenté, mais on peut aussi l’apprécier. Il y a une joie enfantine dans ce plaisir décomplexé de contempler le chaos, qui célèbre à sa manière une forme particulière de divertissement cinématographique. Contre l’avis de Vin Diesel, c’est selon nous ici, et nulle part ailleurs, que réside la véritable grandeur de ce film.

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