Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant le comte Du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au Roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu.

Le choix de Maïwenn pour réaliser un film en costumes pouvait surprendre. La réalisatrice est connue pour son cinéma expressif, passionné et souvent intime, allant de « Pardonnez-moi » à « ADN », en passant par « Le Bal des actrices » ou « Polisse ». Cependant, sa fascination pour la comtesse du Barry a été éveillée en découvrant le personnage dans « Marie-Antoinette » de Sofia Coppola en 2006. Cette courtisane, fille d’un moine et d’une cuisinière, devenue la favorite de Louis XV et protagoniste d’un scandale à la Cour de Versailles, a captivé la cinéaste.
Avec « Jeanne du Barry », Maïwenn a radicalement changé sa méthode de travail : elle a tourné en pellicule, abandonné l’improvisation et privilégié des plans-séquences soignés. Cependant, elle a conservé son style passionné, habité et vivant qui lui est propre.
Dans des décors et costumes somptueux, les personnages évoluent dans un langage libre et léger. Une voix off incisive vient compléter le récit avec des phrases percutantes telles que « Les filles de rien ne sont-elles pas prêtes à tout ? », « À quoi bon être innocente si les autres ont pour vous des désirs coupables ? » ou encore « C’est grotesque » – « Non, c’est Versailles ». « Jeanne du Barry » nous plonge dans les us et coutumes de la Cour au XVIIIe siècle à travers des séquences souvent comiques, telles que le lever du roi ou l’examen gynécologique d’une courtisane finalement considérée « digne de la couche royale ».
Ce film marque une nouvelle facette du talent de Maïwenn, offrant éclat et légèreté à travers « Jeanne du Barry ». Bien que différent de ses œuvres précédentes, il conserve l’intensité et la passion qui caractérisent son style singulier.

« Jeanne du Barry » se révèle étonnamment contemporain grâce à son propos profond. À travers ce film, Maïwenn évoque indirectement son propre parcours, elle qui a été l’épouse de Luc Besson à l’âge de 16 ans avant de se lancer dans le cinéma. Le récit relate l’ascension sociale d’une roturière rejetée par la Cour, tout en explorant le destin d’une femme « vendue » par sa mère, victime d’humiliations et de violences de la part des hommes, et pourtant excitée à l’idée d’être « offerte » au roi.
La réalisatrice accorde une attention particulière à ses personnages secondaires : le comte du Barry, interprété de manière glaçante par Melvil Poupaud, est cynique et détestable, le valet du roi, incarné de manière méticuleuse et attachante par le génial Benjamin Lavernhe, et la fille de Louis XV (India Hair, très drôle) rappelle la méchanceté des sœurs de Cendrillon. Face à une Maïwenn totalement investie dans son rôle, Johnny Depp impose sa présence avec seulement quelques répliques, malgré son accent américain. Il apporte une touche de conte de fées à ce film qui est avant tout une histoire d’amour, sublimée par une magnifique mise en scène.
« Jeanne du Barry » offre ainsi une vision contemporaine audacieuse, où la réalisatrice puise dans sa propre expérience pour explorer les thèmes de l’ascension sociale, du sacrifice et de l’amour. Le film allie habilement des éléments historiques et des résonances modernes, et la performance des acteurs, associée à une mise en scène remarquable, confère au récit une dimension captivante.
