Avec la parution du nouveau livre de Serge Brussolo aux Éditions Bragelonne voici une interview en 18 points avec le maitre français souvent comparé à Steven King.
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Site de Serge Brussolo : https://brussolo-serge.pagesperso-orange.fr/

L’interview de Serge Brussolo
1 : Que diriez-vous pour convaincre que l’histoire que vous écrivez est intéressante, importante et utile ?
Cela fait quarante ans que je publie, j’ai mes lecteurs fidèles, je pense que je n’ai pas à les convaincre que ce que j’écris va les intéresser, ils me font confiance. C’est du moins ce qui ressort des réactions que je reçois. Ils aiment le style d’histoires que je raconte, ils savent à quoi s’attendre. J’écris pour eux. Je n’ai jamais cherché à m’attirer un public généraliste, ce qui m’obligerait à faire trop de concessions. Certains éditeurs m’y ont encouragé, certes, mais ça ne me convenait pas. Le réalisme n’est pas mon élément naturel.
2 : À partir de quand le passé devient-il assez vieux pour être de l’histoire ? L’humain (dans le récit) pourquoi est-il un animal qui trébuche vingt fois sur le même caillou ?
La notion de passé est très relative. Quand j’évoque devant un jeune homme les événements de 1968 ça lui paraît aussi lointain que les Croisades ou la Guerre de Cent ans, or pour moi c’était hier. Einstein a écrit quelque chose à ce propos, je crois. L’homme ne tire jamais les leçons de l’expérience, il recommence perpétuellement les mêmes erreurs, c’est comme ça depuis la nuit des temps, et il en ira ainsi jusqu’à ce qu’il détruise la planète. Ce qui évolue, en revanche, ce sont les outils de destruction dont il dispose.

3 : Comment démêler le vrai du faux dans les récits écrit pour un public qui dans son premier abord ne cherche pas un livre dit réaliste ?
Si l’on commence à se poser ce genre de question, on se gâche d’emblée le plaisir de la lecture ! Le lecteur doit jouer le jeu, se laisser prendre au piège du récit, s’abandonner au rêve, sinon ce n’est pas la peine d’ouvrir un roman, mieux vaut lire des traités de sociologie ou de mathématiques. C’est d’ailleurs pour cette raison que certaines personnes détestent les romans et les jugent inutiles.
4 : Est-il nécessaire d’avoir des connaissances solides dans un sujet pour arriver à en faire un livre ? La confiance que le public accorde à vos récits est-elle dangereuse ?
C’est sûr qu’il est préférable de ne pas dire de conneries dans un contexte réaliste, mais ce n’est pas tellement le domaine dans lequel j’évolue. La Fantasy ne prête pas le flanc à ce genre de critique. Maintenant, si l’on écrit un roman historique, il est préférable de savoir de quoi on parle. Cela dit, je ne vois pas en quoi raconter comment était fabriquée une armure peut s’avérer dangereux… A moins que le lecteur ne s’improvise forgeron ! Mais là cela relève de la bêtise. Il y toujours des esprits faibles, si l’on se met à censurer les livres à cause d’eux, on n’écrit plus rien.
5 : Que pensez-vous de la multiplication des romans dits best-sellers ces dernières années ?
Les best-sellers ont toujours existé, ça n’a rien d’un phénomène nouveau. C’est le public, les médias et la publicité qui les fabriquent. Ils correspondent à une attente du public à un moment donné. Ils obéissent à un effet de mode, ainsi qu’à un certain conformisme, ce qu’on surnomme « l’effet moutonnier ». Puis le temps passe, et la plupart d’entre eux sont oubliés.

6 : Voyez-vous le livre dématérialisé comme l’avenir de l’éducation et de l’information, et devrait-il donner plus de visibilité aux jeunes lecteurs ?
Il ne faut pas se leurrer, en tant que grand défenseur (et utilisateur) du ebook, j’ai pu me rendre compte qu’on se heurtait à une terrible résistance du public. Aux USA, le livre dématérialisé fonctionne très bien, il représente le quart des ventes totales du pays. En France, hélas, ce support ne prend pas, on est à peine à 4%. A l’heure actuelle il est impossible de prévoir si le ebook a la moindre chance de survivre. Il faudrait que le jeune public s’y mette sans tarder car sinon les éditeurs laisseront tomber. Certains n’y croient déjà plus et se montrent très pessimistes. En ce qui me concerne, les ventes dématérialisées représentent 10% des ventes totales.
7 : L’idéologie a-t-elle sa place dans le récit ?
Chaque auteur à ses convictions, l’empêcher de les exprimer relèverait de la censure. C’est d’ailleurs un peu ce qui se passe avec la généralisation du « politiquement correct », des choses ou des mots qu’il ne faut ni prononcer ni évoquer… Maintenant qu’on soit d’accord ou pas avec les idées de l’auteur relève d’un autre débat. Il convient de se méfier de la pensée unique.
8 : Que pensez-vous du travail de Stephen King qui vous est souvent comparé?
Je connais mal Stephen King, je n’ai lu que deux romans : Salem et Shining. Son fantastique n’est pas le mien, il est très ancré dans le réalisme, ce qui n’est pas mon cas. Je préfère le franc délire, les frontières qu’on repousse, voir jusqu’où on peu aller trop loin.

9 : Est-il conseillé de juger un roman en s’appuyant sur nos mœurs actuelles ? Peut-elle se transformer en propagande ?
Encore une fois tout cela est très relatif. La notion d’admiration est toujours tributaire d’un moment historique. Au XIXe siècle on trouvait tel ou tel roman génial, aujourd’hui on estime que ces mêmes oeuvres sont des bouses et leurs auteurs de gros nuls… Il en ira de même pour notre période. Les « grands » auteurs d’aujourd’hui passeront probablement pour des has been dans trois ou quatre décennies… en admettant qu’on lise encore!
10 : Selon vous, est-ce que la science-fiction nous permet de réfléchir à un futur plus ou moins proche et d’éviter ainsi de potentiels dangers ? dixit votre nouveau roman « Anatomik »
C’était, à l’origine, le but de la SF, à travers une métaphore de faire la critique de nos sociétés. Tous les auteurs n’ont pas suivi cette voie, et le genre a peu à peu évolué vers la simple distraction. Dans les livres qui me passent entre les mains, je détecte souvent une idolâtrie excessive de la technique. Une vénération de la Science qui confine à la religion. Ce manque de recul critique me gêne un peu.
11 : Que pensez-vous du paysage de la littérature dite de genre actuel et de son évolution ?
Pas grand-chose car j’en lis très peu. Je suis gêné par le formatage des genres comme le thriller qui ne nous présente plus guère que des histoires de serial killer, et cela depuis plus de vingt ans! ça m’ennuie, et ça a grandement contribué à m’éloigner du genre.`

12 : Existe-t-il une concurrence entre les auteurs ?
Concurrence je ne sais pas, mais une grosse jalousie, oui c’est sûr, en dépit des grandes claques dans le dos que s’envoient les écrivains. Dès qu’on a le moindre succès, on devient un concurrent, et c’est mal vu.
13: Sont-ils plus suivis pour leur personne que pour leur contenu ?
Non, les auteurs ne sont pas des stars de cinéma. L’écriture reste un métier obscur, qui n’a rien de glamour ni d’excitant aux yeux de la plupart.
14 : L’argent nuit-il au métier ?
Etant donné le faible pourcentage des droits que touchent la plupart des auteurs j’aurais plutôt tendance à reformuler la question en « Le MANQUE d’argent nuit-il au métier? » Rappelons que 90% des écrivains sont obligés d’exercer un autre métier pour survivre. Les médias ne cessent de mettre en avant les auteurs fortunés, mais ils oublient de préciser que ces rares privilégiés sont extrêmement peu nombreux.
15 : Combien de temps passez-vous à écrire et quel sont vos loisirs extérieurs ?
Ecrire est pour moi un plaisir, donc un loisir à temps complet. La durée d’écriture dépend du livre, de l’humeur, des événements extérieurs. Trouver les idées peut prendre plusieurs années, l’écriture du manuscrit deux ou trois mois pour le premier jet, viennent ensuite les corrections. Il n’existe pas de règles. J’ai écrit certains roman en dix jours (comme Simenon) d’autres en un an, voire davantage.
16 : Malheureusement le cinéma et vous ne vous êtes pas donné rendez-vous, mais êtes vous cinéphile ? Quels sont les films et séries que vous aimez ?
Je ne considère pas le cinéma comme une promotion, donc le mot « malheureusement » est de trop. Je n’ai aucun regret, mais plutôt un certain soulagement. J’ai refusé beaucoup de propositions parce que je ne voulais pas voir mes romans massacrés. Les scénarios qu’on me présentait étaient le plus souvent absurdes ou sans aucun rapport avec le livre.
Je n’ai rien d’un cinéphile, je reste un homme du livre. Pour moi, le cinéma est une aimable distraction, rien de plus, ça ne me passionne pas. Si je « regarde » une série, c’est d’un œil distrait, la plupart du temps en faisant autre chose.
17 : Comment voyez-vous votre avenir dans les prochaines années ?
A mon âge il est conseillé de ne pas faire de projets, mais plutôt de profiter de l’instant présent.

18 : Pouvez nous donnez des indices sur vos prochaines sorties et où en sont vos projets jeunesses comme Peggy Sue où Elodie ?
Les prochaines sorties sont sur mon site perso, dans les mois qui viennent je compte me focaliser sur l’auto-édition numérique (gratuite) pour des raisons de liberté d’écriture. Les contraintes éditoriales me sont devenues insupportables. Je n’écris plus d’ouvrages « jeunesse » depuis presque dix ans. Ce cycle était lié à un éditeur, Olivier Orban chez Plon, qui me laissait toute liberté d’écriture (qu’il en soit remercié!) Je ne suis pas certain qu’aujourd’hui on me permettait d’écrire ce genre de texte, donc je préfère m’abstenir, je n’ai pas envie de batailler contre la censure, j’ai passé l’âge.

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