Chien 51 de Laurent Gaudé

Monde de merde

Laurent Gaudé est un auteur touche à tout, pièce de théâtre, romans, poésie, aucun genre n’échappe à sa plume délicate. Avec Chien 51 il s’essaye au récit d’anticipation pour un résultat convaincant malgré son manque d’originalité.

En effet, quiconque a déjà lu des récits de science-fiction ne sera pas surpris par le futur peu engageant que nous propose l’auteur. Dans un pur esprit cyberpunk, l’auteur nous décrit un monde où les multinationales surpuissantes ont fini par prendre le pouvoir, où ceux qui osent se soulever sont réprimés jusqu’à la mort et où le climat n’en finit pas de se détériorer. La devise de ce monde est simple : servir ou périr.

Au sein de cet univers très référencé l’auteur narre une intrigue policière qui suit là aussi des sentiers très balisés, le duo d’enquêteurs antinomiques, les magouilles politiques et en personnage principal, Zem, un enquêteur dépressif, héritier des plus grands enquêteurs du roman noir. Il ne faut pas être lassé de ce genre de récit afin d’en apprécier le déroulement.

Malgré ce manque criant d’originalité le récit se révèle plaisant à suivre. Zem porte le récit sur ses épaules, avec ses traumatismes, ses fantômes dont il ne parvient pas à se débarrasser et son cynisme de vaincu harassé.Sa tirade cynique lors du dénouement vaut à elle seule la lecture de l’ouvrage.

Chien 51 offre un bon moment de lecture, parsemé de quelques passages poétiques, mais qui aurait mérité un soupçon d’originalité pour rester mémorable.

Résumé :  dans une salle sombre, au troisième étage d’une boîte de nuit fréquentée du quartier RedQ, que Zem Sparak passe la plupart de ses nuits. Là, grâce aux visions que lui procure la technologie Okios, aussi addictive que l’opium, il peut enfin retrouver l’Athènes de sa jeunesse. Mais il y a bien longtemps que son pays n’existe plus. Désormais expatrié, Zem n’est plus qu’un vulgaire “chien”, un policier déclassé fouillant la zone 3 de Magnapole sous les pluies acides et la chaleur écrasante.
Un matin, dans ce quartier abandonné à sa misère, un corps retrouvé ouvert le long du sternum va rompre le renoncement dans lequel Zem s’est depuis longtemps retranché. Placé sous la tutelle d’une ambitieuse inspectrice de la zone 2, il se lance dans une longue investi­gation. Quelque part, il le sait, une vérité subsiste. Mais partout, chez GoldTex, puissant consortium qui assujettit les pays en faillite, règnent le cynisme et la violence. Pourtant, bien avant que tout ne meure, Zem a connu en Grèce l’urgence de la révolte et l’espérance d’un avenir sans compromis. Il a aimé. Et trahi.
Sous les ciels en furie d’une mégalopole privatisée, “Chien 51” se fait l’écho de notre monde inquiétant, à la fois menaçant et menacé. Mais ce roman abrite aussi le souvenir ardent de ce qui fut, à transmettre pour demain, comme un dernier rempart à notre postmodernité.

Éditeur ‎Actes Sud (17 août 2022)
Langue ‎Français
Broché ‎304 pages
ISBN-10 ‎2330168330
ISBN-13 ‎978-2330168339

American war d’Omar El Akkad

Miss American rage

Une Amérique divisée, une guerre qui ne laisse aucun répit aux civils, deux conceptions du monde qui s’affrontent sur fond de fin de règne, un univers dystopique trop semblable au nôtre. Autant de matière qui aurait dû donner une lecture réjouissante, est-ce vraiment le cas ?

L’auteur bâtit son univers patiemment, pages après pages, livrant moult détails et descriptions sur ces États-Unis fracturés dont les enfants sont fauchés par un tir de missile lancé par un drone. Lentement c’est un pays ravagé qui prend forme sous nos yeux.

Narré sous forme de journal intime, qui use des effets de prolepse, créant ainsi une attente de la part du lecteur. Le monde impitoyable dans lequel évolue la petite Sarah se révèle consistant. On foule la terre aride du Mississippi avec Sarah et sa famille, on partage leur détresse et leur désespoir. Cette narration immersive est une réussite totale et représente l’atout majeur de l’ouvrage.

Les chapitres nous montrant l’intrépide Sarah grandir dans le camp de réfugiés de Patience sont les meilleurs passages du livre. Sarah ne sera jamais aussi attachante que lorsqu’elle déambule entre les ruelles créées par les tentes de réfugiés et qu’elle tente d’apprivoiser un monde hostile. Par la suite cela se gâte.

Car à trop vouloir conter la naissance d’une guerrière, l’auteur oublie d’accorder une certaine profondeur à son récit. Montrer le quotidien d’un soldat dévoué à sa cause c’est bien, expliquer la création d’une chaîne de haine irrépressible c’est une volonté honnête mais cela ne suffit pas à porter le récit sur 500 pages. 

Il manque à l’ouvrage une réflexion sur la mentalité sudiste dont découle un tel fanatisme et une si grande fierté. En l’état, American war est une fresque guerrière convaincante mais qui manque de profondeur pour être vraiment marquante. 

Résumé : États-Unis, 2074. Une nouvelle guerre de Sécession éclate entre le Nord et le Sud, sur fond de contrôle des énergies fossiles. Lorsque son père est tué, la jeune Sarat Chestnut et sa famille n’ont d’autre choix que de fuir dans un camp de réfugiés en zone neutre.Entre les privations, les désillusions et les rencontres hasardeuses, la fillette influençable va, au fil des ans, se transformer en une héroïne implacable appelée à jouer un rôle déterminant dans le nouvel ordre mondial.

Éditeur ‎J’AI LU (6 octobre 2021)
Langue ‎Français
Poche ‎512 pages
ISBN-10 ‎2290233021
ISBN-13 ‎978-2290233023

La ville dans le ciel de Chris Brookmyre, Vers le whisky et au-delà !!

Voilà un roman qui aura bien du mal à se faire une place dans les cases parfois rigides que, éditeurs comme lecteurs, dressent pour classer leurs ouvrages. On parle d’un polar qui prend place sur une station spatiale internationale. Une lecture originale et addictive.

L’aspect SF exige une concentration de la part du lecteur, tout du moins au début du roman, afin d’intégrer toutes les subtilités de cet univers. Heureusement très rapidement les codes du polar reprennent le dessus avec une enquête menée tambour battant, des mystères qui s’empilent, des courses-poursuites et des règlements de comptes sans pitié.

L’auteur a opté pour une science-fiction positive, à contre-courant de la production actuelle, la terre n’est pas au bord de la destruction, la construction de vaisseaux spatiaux est vécue comme un espoir coûteux mais indispensable pour l’humanité sans notion d’urgence climatique mais ne croyez pas pour autant que tout va bien sur la ville dans le ciel.

L’auteur s’est inspiré des nombreux microcosme qui ont fleuri à travers les âges et en a conclu un principe simple, plus les interdits sont sévères, plus les transgressions sont grandes. Les amateurs de polar urbain où règnent la corruption et les passions humaines débridées ne seront pas déçu du voyage. La ciudad de cielo est en effet un repaire de crapules en tous genres qui font régner alcool, drogue, perversion sexuelle diverses et variées, prostitution, combats clandestins. Un véritable nid de serpents.

Dans ce dédale de luxure et de corruption généralisée Alice tente d’y voir plus clair, guidé par ce lapin blanc peu fiable qu’est Nikki. L’auteur brosse le portrait de deux personnages pétris d’assurance qui vont voir leurs certitudes volées en éclats à mesure qu’elles vont s’approcher de la vérité. Le portrait de Nikki aurait pu être affiné, notamment la raison de son départ pour la station, mais l’écriture de ces deux personnages est solide et crédible.

Même si l’intrigue en elle-même se révèle prévisible avec une conclusion quelque peu confuse, ce thriller d’anticipation se révèle d’excellente facture.

Résumé : En orbite autour de la Terre, Ciudad de Cielo est la première marche permettant à l’humanité d’atteindre les étoiles. Décrite comme un lieu utopique où le crime n’existe pas, la station spatiale est néanmoins contrôlée par des gangs qui se livrent une guerre sans merci : prostitution, contrebande et racket sont omniprésents. Jusqu’ici, les autorités ont toujours fermé les yeux. Mais les choses vont changer : un cadavre vient d’être découvert, flottant en mille morceaux dans la microgravité de cette ville dans le ciel.L’enquête sur ce meurtre est confiée à Nikki « Fix » Freeman. Corrompue jusqu’à la moelle, c’est peu dire qu’elle n’est pas ravie d’être chaperonnée par Alice Blake, une jeune envoyée du gouvernement terrien fraîchement arrivée sur la station et particulièrement stricte dès qu’il s’agit du règlement.Alors que les morts s’accumulent, les masques vont finir par tomber, et les vraies raisons de ce déchaînement de violence se révéler au grand jour.

Éditeur ‎DENOEL (22 septembre 2021)
Langue ‎Français
Broché ‎512 pages
ISBN-10 ‎2207144801
ISBN-13 ‎978-2207144800

Mégapoles tome 1 Genèse de la cité de N.K. Jemisin, Super big apple

Mon premier est une ville mythique, Babylone moderne aux lumières éblouissantes, mon second est un univers, celui de N.K. Jemisin, foisonnant et dense. Mon tout forme un récit ambitieux tant dans son récit que dans le portrait de ses personnages.

Cette nouvelle saga s’abreuve à la source de deux genres très populaires sur divers médias de nos jours, les comics de super-héros d’un côté, avec ces êtres dotés de super-pouvoirs et le fantastique hérité d’un auteur reconnu par les amateurs du genre. L’autrice s’empare de ces genres pour les inscrire dans un récit qui, sous des faux airs de blockbuster à l’intrigue simple, cache de nombreuses interrogations métaphysiques et sociales en plus d’être une déclaration d’amour à la ville qui ne dort jamais.

New York prend vie sous la plume de Jemisin. Personnage à part entière du récit, nous allons faire connaissance avec les coins les plus reculés de son histoire mais aussi avec ses habitants, ses quartiers, véritables villes dans la ville. Rarement on aura autant eu l’impression d’être en plein milieu de ses gigantesques avenues.

Les protagonistes portent le récit sur leurs épaules et apportent une complexité psychologique qui fait tout l’intérêt du récit. Emportés par une destinée qu’ils n’ont pas choisie, ils vont devoir faire face à leurs contradictions, leurs doutes tout en tentant d’empêcher la destruction de leur ville. Leurs errements intérieurs sont minutieusement décrits, on plonge dans leur psyché comme dans un bassin sans fond. 

Toutes une série de thèmes sont portés par la voix des personnages. Des thèmes modernes qui secouent notre société actuelle avec tout un tas de mots en phobe mais l’autrice introduit aussi une réflexion sur notre place de l’univers, les conséquences de l’expansion de l’humanité et ce qui fait l’identité d’une ville, d’un quartier.

Ce premier volume nécessite d’être apprivoisé tant il est parfois dense, pour un résultat qui résonne comme une ode à la grosse pomme en plus d’être un récit fantastique divertissant.

Résumé : En descendant du train à Penn Station, le jeune homme se rend compte qu’il a tout oublié : son nom, son passé, son visage… Une seule certitude : quoiqu’il n’ait jamais mis les pieds à Manhattan, il est ici chez lui. Rien d’anormal, donc, à ce qu’un vieux taxi jaune à damiers s’arrête devant lui au moment où il en a le plus besoin. Il doit impérativement se rendre sur FDR Drive ; il ignore pourquoi, mais cela a sans doute un rapport avec les tentacules qui sèment le trouble à chaque coin de rue. La ville, sa ville est en danger, et lui seul semble être en mesure de la défendre. Lui seul ? Non, ils sont cinq, un pour chaque arrondissement de New York…

Éditeur ‎J’ai lu (3 février 2021)
Langue ‎Français
Poche ‎384 pages
ISBN-10 ‎2290232513
ISBN-13 ‎978-2290232514

Récursion de Blake Crouch, le temps d’un bonheur

Pouvoir revenir en arrière, prendre un chemin différent de celui qui nous a menés à l’impasse, faire d’autres choix que ceux qui se sont révélés insatisfaisants, on en a tous rêvé. Récursion nous montre où tout cela pourrait nous mener.

Les lecteurs fatigués de voir toujours les mêmes thèmes revenir dans la fiction devraient tout de même se pencher sur ce thriller d’anticipation original, qui offre une belle morale en plus d’une intrigue haletante, pleine de rebondissements, qui rappelle par certains aspects, les meilleures œuvres de SF, telle minority report.

Car au-delà d’être un excellent thriller, l’ouvrage nous narre une romance touchante entre deux personnages meurtris. L’un, Barry, a le regard tourné vers son passé brisé tandis que l’autre, la scientifique Helena, peine à apercevoir un rayon de soleil dans son avenir alourdi par le spectre de la maladie. Le destin les réunira dans une bulle de passion qui durera ce qu’elle durera. Trop peu en regard de l’amour que se vouent ces deux êtres fracassés par la vie.

Bien sûr, l’auteur évoque la résilience, la nécessité de surmonter son deuil, notre impuissance devant la cruauté de la vie, il questionne également nos regrets et nos remords mais le récit est aussi une invitation à profiter de chaque moment bienheureux que nous offre la vie, à en tirer le maximum dans le court temps qui nous est imparti. À profiter de l’autre et de ce qu’il nous apporte avant qu’il ne s’évapore.

Car le temps file trop vite pour que l’on s’arrête sur ce que l’on a perdu et la chance d’être heureux, ne serait-ce que pour un moment, risque de nous filer entre les doigts sans même que l’on ne s’en rende compte. Parmi tous les messages délivrés par ce récit passionnant, c’est peut-être le plus important

Résumé : La réalité n’est qu’un souvenir. Barry Sutton, flic désabusé de la police new-yorkaise, enquête sur une vague de suicides engendrée par le Syndrome des Faux Souvenirs, une maladie neurologique inexpliquée dont les victimes se remémorent une vie qu’ils n’ont jamais vécue. Parallèlement, Helena Smith, une neurologue travaillant sur la mémoire, est recrutée par le richissime Marcus Slade pour développer un dispositif permettant d’enregistrer les souvenirs, officiellement pour lutter contre la maladie d’Alzheimer. Mais Slade comprend bientôt que cette invention peut faire bien plus que cela, et ses ambitions font peser sur la réalité elle-même un danger inouï.Seuls Helena et Barry, en joignant leurs forces, ont une chance de l’arrêter…

Éditeur ‎J’AI LU (6 octobre 2021)
Langue ‎Français
Broché ‎320 pages
ISBN-10 ‎2290233153
ISBN-13 ‎978-2290233153

L’interview de Serge Brussolo pour la sortie de ANATOMIK le 13/11/2019

Avec la parution du nouveau livre de Serge Brussolo aux Éditions Bragelonne voici une interview en 18 points avec le maitre français souvent comparé à Steven King.

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Site de Serge Brussolo : https://brussolo-serge.pagesperso-orange.fr/

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L’interview de Serge Brussolo

1 : Que diriez-vous pour convaincre que l’histoire que vous écrivez est intéressante, importante et utile ?

Cela fait quarante ans que je publie, j’ai mes lecteurs fidèles, je pense que je n’ai pas à les convaincre que ce que j’écris va les intéresser, ils me font confiance. C’est du moins ce qui ressort des réactions que je reçois. Ils aiment le style d’histoires que je raconte, ils savent à quoi s’attendre. J’écris pour eux. Je n’ai jamais cherché à m’attirer un public généraliste, ce qui m’obligerait à faire trop de concessions. Certains éditeurs m’y ont encouragé, certes, mais ça ne me convenait pas. Le réalisme n’est pas mon élément naturel.

: À partir de quand le passé devient-il assez vieux pour être de l’histoire ? L’humain (dans le récit) pourquoi est-il un animal qui trébuche vingt fois sur le même caillou ?

La notion de passé est très relative. Quand j’évoque devant un jeune homme les événements de 1968 ça lui paraît aussi lointain que les Croisades ou la Guerre de Cent ans, or pour moi c’était hier. Einstein a écrit quelque chose à ce propos, je crois. L’homme ne tire jamais les leçons de l’expérience, il recommence perpétuellement les mêmes erreurs, c’est comme ça depuis la nuit des temps, et il en ira ainsi jusqu’à ce qu’il détruise la planète. Ce qui évolue, en revanche, ce sont les outils de destruction dont il dispose.

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3 : Comment démêler le vrai du faux dans les récits écrit pour un public qui dans son premier abord ne cherche pas un livre dit réaliste ?

Si l’on commence à se poser ce genre de question, on se gâche d’emblée le plaisir de la lecture ! Le lecteur doit jouer le jeu, se laisser prendre au piège du récit, s’abandonner au rêve, sinon ce n’est pas la peine d’ouvrir un roman, mieux vaut lire des traités de sociologie ou de mathématiques. C’est d’ailleurs pour cette raison que certaines personnes détestent les romans et les jugent inutiles.

4 : Est-il nécessaire d’avoir des connaissances solides dans un sujet pour arriver à en faire un livre ? La confiance que le public accorde à vos récits est-elle dangereuse ?

C’est sûr qu’il est préférable de ne pas dire de conneries dans un contexte réaliste, mais ce n’est pas tellement le domaine dans lequel j’évolue. La Fantasy ne prête pas le flanc à ce genre de critique. Maintenant, si l’on écrit un roman historique, il est préférable de savoir de quoi on parle. Cela dit, je ne vois pas en quoi raconter comment était fabriquée une armure peut s’avérer dangereux… A moins que le lecteur ne s’improvise forgeron ! Mais là cela relève de la bêtise. Il y toujours des esprits faibles, si l’on se met à censurer les livres à cause d’eux, on n’écrit plus rien.

5 : Que pensez-vous  de la multiplication des romans dits best-sellers ces dernières années ?

Les best-sellers ont toujours existé, ça n’a rien d’un phénomène nouveau. C’est le public, les médias et la publicité qui les fabriquent. Ils correspondent à une attente du public à un moment donné. Ils obéissent à un effet de mode, ainsi qu’à un certain conformisme, ce qu’on surnomme « l’effet moutonnier ». Puis le temps passe, et la plupart d’entre eux sont oubliés.

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6 : Voyez-vous le livre dématérialisé comme l’avenir de l’éducation et de l’information, et devrait-il donner plus de visibilité aux jeunes lecteurs ?

Il ne faut pas se leurrer, en tant que grand défenseur (et utilisateur) du ebook, j’ai pu me rendre compte qu’on se heurtait à une terrible résistance du public. Aux USA, le livre dématérialisé fonctionne très bien, il représente le quart des ventes totales du pays. En France, hélas, ce support ne prend pas, on est à peine à 4%.  A l’heure actuelle il est impossible de prévoir si le ebook a la moindre chance de survivre. Il faudrait que le jeune public s’y mette sans tarder car sinon les éditeurs laisseront tomber. Certains n’y croient déjà plus et se montrent très pessimistes. En ce qui me concerne, les ventes dématérialisées représentent 10% des ventes totales.

7 : L’idéologie a-t-elle sa place dans le récit ?

Chaque auteur à ses convictions, l’empêcher de les exprimer relèverait de la censure. C’est d’ailleurs un peu ce qui se passe avec la généralisation du « politiquement correct », des choses ou des mots qu’il ne faut ni prononcer ni évoquer… Maintenant qu’on soit d’accord ou pas avec les idées de l’auteur relève d’un autre débat. Il convient de se méfier de la pensée unique.

8 : Que pensez-vous du travail de Stephen King qui vous est souvent comparé?

Je connais mal Stephen King, je n’ai lu que deux romans : Salem et Shining. Son fantastique n’est pas le mien, il est très ancré dans le réalisme, ce qui n’est pas mon cas. Je préfère le franc délire, les frontières qu’on repousse, voir jusqu’où on peu aller trop loin. 

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9 : Est-il conseillé de juger un roman en s’appuyant sur nos mœurs actuelles ? Peut-elle se transformer en propagande ? 

Encore une fois tout cela est très relatif. La notion d’admiration est toujours tributaire d’un moment historique. Au XIXe siècle on trouvait tel ou tel roman génial, aujourd’hui on estime que ces mêmes oeuvres sont des bouses et leurs auteurs de gros nuls… Il en ira de même pour notre période. Les « grands » auteurs d’aujourd’hui passeront probablement pour des has been dans trois ou quatre décennies… en admettant qu’on lise encore!

10 : Selon vous, est-ce que la science-fiction nous permet de réfléchir à un futur plus ou moins proche et d’éviter ainsi de potentiels dangers ? dixit votre nouveau roman « Anatomik »

C’était, à l’origine, le but de la SF, à travers une métaphore de faire la critique de nos sociétés. Tous les auteurs n’ont pas suivi cette voie, et le genre a peu à peu évolué vers la simple distraction. Dans les livres qui me passent entre les mains, je détecte souvent une idolâtrie excessive de la technique. Une vénération de la Science qui confine à la religion. Ce manque de recul critique me gêne un peu.

11 : Que pensez-vous du paysage de la littérature dite de genre actuel et de son évolution ?

Pas grand-chose car j’en lis très peu. Je suis gêné par le formatage des genres comme le thriller qui ne nous présente plus guère que des histoires de serial killer, et cela depuis plus de vingt ans! ça m’ennuie, et ça a grandement contribué à m’éloigner du genre.`

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12 : Existe-t-il une concurrence entre les auteurs ?

Concurrence je ne sais pas, mais une grosse jalousie, oui c’est sûr, en dépit des grandes claques dans le dos que s’envoient les écrivains. Dès qu’on a le moindre succès, on devient un concurrent, et c’est mal vu.

13: Sont-ils plus suivis pour leur personne que pour leur contenu ?

Non, les auteurs ne sont pas des stars de cinéma. L’écriture reste un métier obscur, qui n’a rien de glamour ni d’excitant aux yeux de la plupart.

14 : L’argent nuit-il au métier ?

Etant donné le faible pourcentage des droits que touchent la plupart des auteurs j’aurais plutôt tendance à reformuler la question en « Le MANQUE d’argent nuit-il au métier? » Rappelons que 90% des écrivains sont obligés d’exercer un autre métier pour survivre. Les médias ne cessent de mettre en avant les auteurs fortunés, mais ils oublient de préciser que ces rares privilégiés sont extrêmement peu nombreux.

15 : Combien de temps passez-vous à écrire et quel sont vos loisirs extérieurs ?  

 Ecrire est pour moi un plaisir, donc un loisir à temps complet. La durée d’écriture dépend du livre, de l’humeur, des événements extérieurs. Trouver les idées peut prendre plusieurs années, l’écriture du manuscrit deux ou trois mois pour le premier jet, viennent ensuite les corrections. Il n’existe pas de règles. J’ai écrit certains roman en dix jours (comme Simenon) d’autres en un an, voire davantage.

16 : Malheureusement le cinéma et vous ne vous êtes pas donné rendez-vous, mais êtes vous cinéphile ?  Quels sont les films et séries que vous aimez ?

Je ne considère pas le cinéma comme une promotion, donc le mot « malheureusement » est de trop. Je n’ai aucun regret, mais plutôt un certain soulagement. J’ai refusé beaucoup de propositions parce que je ne voulais pas voir mes romans massacrés. Les scénarios qu’on me présentait étaient le plus souvent absurdes ou sans aucun rapport avec le livre.

Je n’ai rien d’un cinéphile, je reste un homme du livre. Pour moi, le cinéma est une aimable distraction, rien de plus, ça ne me passionne pas. Si je « regarde » une série, c’est d’un œil distrait, la plupart du temps en faisant autre chose.

17 : Comment voyez-vous votre avenir dans les prochaines années ?

A mon âge il est conseillé de ne pas faire de projets, mais plutôt de profiter de l’instant présent.

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18 : Pouvez nous donnez des indices sur vos prochaines sorties et où en sont vos projets jeunesses comme Peggy Sue où Elodie ?  

Les prochaines sorties sont sur mon site perso, dans les mois qui viennent je compte me focaliser sur l’auto-édition numérique (gratuite) pour des raisons de liberté d’écriture. Les contraintes éditoriales me sont devenues insupportables.  Je n’écris plus d’ouvrages « jeunesse » depuis presque dix ans. Ce cycle était lié à un éditeur, Olivier Orban chez Plon, qui me laissait toute liberté d’écriture (qu’il en soit remercié!) Je ne suis pas certain qu’aujourd’hui on me permettait d’écrire ce genre de texte, donc je préfère m’abstenir, je n’ai pas envie de batailler contre la censure, j’ai passé l’âge.

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La Guerre des Mondes (Canal+) de Howard Overman avec Gabriel Byrne, Elizabeth McGovern, Léa Drucker / Series TV Canal +

Nouvelle adaptation de l’oeuvre d’Herbert George Wells, cette adaptation télévisée plus moderne séduit par son audace narrative et sa construction originale qui nous balade de l’Angleterre à la France, notre monde qui, en réalité, a sombré.

« Un signal venu des étoiles prouve l’existence d’une vie extraterrestres. Hélas, le monde n’a pas le temps de s’interroger qu’une attaque fulgurante décime une bonne partie de la population mondiale. »

Derrière ce show se cache Howard Overman qui a déjà oeuvré avec succés sur la série LES MISFITS. Cet habitué des budgets serrés nous propose une version anxiogène d’une invasion d’êtres venus d’ailleurs.

Ici, point de destructions massives mais une attaque qui décime une grosse partie de la population du globe. À l’instar de WALKING DEAD et ses milliers de victimes la série ne nous épargne rien! Voir les rues de Londres et Paris figées, des corps allongés à perte de vue à quelque chose de dérangeant. Par la suite, certaines scènes violentes, tout autant visuellement que psychologiquement, scotchent les spectateurs. C’est sans concessions!

Le casting est exceptionnel, Gabriel Byrne (Vikings), toujours impeccable, et Elizabeth McGovern (Downton Abbey) touchante et parfaite dans son rôle, ça c’est pour nos amis d’outre-Manche. Mais aussi la talentueuse Léa Drucker (Le Bureau des Légendes) et l’imposant Adel Bencherif (Ad Vitam) en Colonel plutôt dynamique, ça c’est pour le côté français.

Les SFX sont très bons, et les musiques retranscrivent une ambiance de fin du monde avec leurs sonorités rythmées, presque hynotiques très bon score!

Bref, j’aime beaucoup cette GUERRE DES MONDES, le miroir de nos peurs actuelles, une vision de nos vies qui basculent, d’un seul coup ! Car là est la réussite de la série, jouer sur la fiction qui s’insinue dans notre réalité, en quelque sorte. Brillant!

Je conseille vivement la vision de ces 8 épisodes très réussis, une série imparfaite certes, mais qui réinvente les codes d’un genre, subtilement, et ça c’est bien joué!

Mon frère est un super-héros (31 août 2017) de David Solomons

Je ne le crois pas ! Mon frère, Zack, le bosseur, le dingue de devoirs de maths, celui qui n’a jamais lu une BD de sa vie, est devenu un super-héros. Pendant qu’il s’amusait à faire des équations dans notre cabane, Zorbon le Décideur a surgi de son vaisseau spatial transdimensionnel : il lui a conféré des pouvoirs géniaux et une mission vitale pour l’humanité. Mon frère a été choisi pour vivre mon rêve !

Chronique : Luke Parker est un passionné de bandes dessinées et plus spécialement celles sur les super-héros. Alors, quand il s’aperçoit que c’est son frère aîné, Zack, qui reçoit des super-pouvoirs, on peut comprendre qu’il soit jaloux. Avec patience, il va essayer de montrer la voie super-héroïque à son frère. Une mission délicate alors que « Némesis est en route »
Premier roman de David Solomons, Mon Frère est un Super-Héros adopte un ton original alors que l’histoire oscille entre hommage et parodie. A la différence de nombreux mentors, voire des passionnés de pop-culture, Luke est obsédé par le genre. Il ne voit le monde qu’à travers le prisme et la différence entre monde-réel et fictif est très mince. La bonne idée est de le raconter sur le ton de l’humour. Il est montré comme un gentil garçon, enfermé dans son monde. Les clins d’oeils sont bien placé.
Le personnage maléfique du roman est aussi méchant que ridicule, tenant tête haute au personnage de super-héros.
Les deux autres aspects qui sont racontés ici sont la lutte fraternelle et l’adolescence. Luke est encore un enfant et ne comprend pas les réactions de son frère envers leur voisine. A contrario, il ne comprend pas ses propres réactions envers la soeur de la voisine. Une soeur qui a les pieds sur terre, ne comprend rien aux super-héros mais essaye de découvrir l’identité de ce nouveau héros, avec l’aide de Luke…
Au-delà de l’aspect super-héroïque, ce premier roman critique, de façon humoristique la différence monde réel/monde imaginaire et aborde l’âge de l’adolescence. Un mélange original qui plaira aux plus jeunes comme aux plus âgés.

Note : 9/10

  • Poche: 352 pages
  • Tranche d’âges: 9 – 12 années
  • Editeur : Folio Junior (31 août 2017)
  • Collection : Folio Junior

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Inséparables (24 avril 2017) de Elie Darco

Ballottés au gré des affectations successives de leurs parents militaires, Alec et sa soeur Beryl sont un peu livrés à eux-mêmes. Complices et inséparables, ils aiment repousser leurs limites et tenter des expériences dangereuses, quitte à enfreindre les règles de la société sécuritaire dans laquelle ils vivent. Et quand la famille échoue dans une petite ville perdue au milieu de la forêt, à des kilomètres des tripots clandestins, des salles d’arcade et de toute animation, l’ennui les gagne…

Chronique : Elie Darco nous propose avec Inséparables, une lecture à destination des jeunes lecteurs . C’est un roman qui va d’ailleurs les enchanter! On retrouve tous les ingrédients qui font une excellente intrigue. Des personnages principaux attachants, une atmosphère angoissante, des adultes très étranges et un mystérieux meurtre. Difficile alors de ne pas dévorer ce roman! Elie Darco ne situe pas exactement son intrigue et laisse volontairement les pistes brouillées. Elle décrit une petite ville paumée, grise et sombre, sous la pluie. A Morran tout le monde se connaît. La forêt entoure la ville et la coupe un peu du monde. On comprend aussi que le monde dans lequel Alec et Beryl vivent n’est pas vraiment le nôtre . L’énergie est économisée. On n’écrit plus sur du papier mais sur des tablettes. L’eau, l’essence sont rationnées. Bref, cela ajoute un sentiment d’oppression. L’atmosphère pesante et mystérieuse de la ville de Morran ajoute du suspens au roman. Les personnages vont de découverte en découverte. Palpitant et bien écrit, on nous propose une intrigue bien construite, des personnages attachants, et une plume vive et dynamique que l’on découvre avec beaucoup de plaisir.

Note : 9/10

  • Broché: 288 pages
  • Editeur : MAGNARD (24 avril 2017)
  • Collection : M les romans

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Titania 3.0 (9 mai 2017) de Pauline Pucciano

Paris, XXIIe siècle. La société devenue ultralibérale n obéit plus qu aux lois impitoyables de l argent, des réseaux sociaux et du paraître. De grandes multinationales amassent des millions, dont Morgane Corp., qui fait fortune en prélevant et en revendant des organes…

Chronique : Ce roman est juste magnifique avec une narration qui est à la troisième personne, nous suivons surtout l’histoire à travers les yeux de Jan. La plume est fluide avec un univers très complet d’une imagination naturelle, simple et extraordinaire. Un monde où l’apparence est au centre des normes sociales, implants, changements physiques,… tous plus ou moins délirants. Pratiquement tout le monde est raccordé au Réseau. C’est un dystopie très réaliste. Les sans-abris sans maintenant les HR, hors réseau c’est à dire sans Identité Informatique. Le monde virtuel est devenu le monde réel, et tout ceux qui ne sont pas raccordés sans à la marge du monde.Récit d’une histoire d’amour sur fond de scandale, traque haletante, recherche de la vérité et découverte des ses origines, ce roman explore avec infiniment de cohérence nos dérives actuelles.

Note : 9/10

  • Broché: 240 pages
  • Editeur : MAGNARD (9 mai 2017)
  • Collection : M les romans

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