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Trois histoires d’amour, un lanceur d’alerte, une adolescente égarée, deux processions, Bouddha et Confucius, un journaliste ambitieux, une mort tragique, le chat Joseph, une épouse impossible, un sale trafic, une actrice incognito, une descente aux enfers, cet imbécile de Doueiri, un accent mystérieux, la postière de Lamberghem, grosse promotion sur le linge de maison, le retour du passé, un parfum d’exotisme, une passion soudaine et irrésistible.
Chronique : Abondamment nourri aux romans du XIXe siècle, Pierre Lemaitre prend un plaisir gourmand à imaginer une nouvelle saga, solidement ancrée dans la tradition du feuilleton. Après la trilogie des Enfants du désastre (Au revoir là-haut, prix Goncourt en 2013, Couleurs de l’incendie, Miroir de nos peines), qui s’achevait en 1940, l’auteur accompagne une autre famille, les Pelletier, à partir de 1948, entre Beyrouth, Paris et Saigon. Au Liban, Louis et Angèle, les parents, tiennent avec calme et dextérité la fabrique des Savons du Levant. Derrière eux se tiennent comme ils peuvent leurs quatre enfants, trois fils et une fille, qui n’ont pas forcément l’ambition de reprendre l’affaire paternelle.
Difficile de résumer ce morceau romanesque plein de rebondissements, usiné comme au bon vieux temps. Pierre Lemaitre poursuit son projet historico-littéraire entamé avec sa première trilogie, en s’attaquant cette fois à la période des Trente Glorieuse. On en est ici aux prémisses, et donc loin encore de l’image de confort et de prospérité qui colle habituellement à cette période. La guerre est finie depuis trois ans, mais la France n’a pas encore achevé sa reconstruction, les pénuries de denrées, de logement, et le rationnement ont toujours cours dans une France qui commence à s’enliser dans des conflits coloniaux, notamment en Indochine.
Pierre Lemaitre saisit toute cette réalité d’après-guerre à travers le destin de ses personnages fictifs, mis en scène, eux, dans des évènements bien réels. Le romancier peaufine son mode opératoire en forme de feuilleton, chaque chapitre annoncé par une locution annonçant la couleur. Une méthode qui tient une nouvelle fois son lecteur en haleine de bout en bout.
D’une écriture vive et efficace, il déploie cette fresque à grands traits, et aussi par petites touches, nous restituant avec des descriptions bien mijotées l’atmosphère humide et l’ambiance poisseuse de Saigon, l’effervescence parisienne de la presse de l’après-guerre, ou encore la douceur de Beyrouth, qui semble à des années lumières de la violence qui fait rage dans les combats qui opposent soldats français et combattants Vietminh dans le bourbier de la guerre d’Indochine. Les lâchetés politiques, les appétits du grand capital, les violences policières…
On retrouve aussi la veine sociale et politique chère à Pierre Lemaitre, sous une plume que l’on sent toujours animée par une révolte qui s’applique à traquer les vilénies de l’âme humaine, mais aussi ses beautés.
Le romancier ménage ses surprises. Il fait par exemple attendre son lecteur jusqu’à la page 475 pour lui en offrir une de taille, qui jette un pont avec la première trilogie.
Fresque familiale, historique, récit tissé de suspense, de psychologie, de politique et d’ironie… on sort de cette lecture repu, avec l’impression d’avoir traversé le « Grand Monde » autant que les destins individuels de personnages auxquels on s’est attachés, et que l’on a hâte de retrouver.
Éditeur : Calmann-Lévy (25 janvier 2022) Langue : Français Broché : 592 pages ISBN-10 : 2702180817 ISBN-13 : 978-2702180815

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